Portrait-robot… ou caricature ?

Comme je l’ai dit précédemment, j’ai décidé d’écrire ici comme un appel au secours à la compréhension, car bien que le parcours PMA, les traitements, l’attente, les échecs… soient compliqués, je crois que ce qui me fait le plus souffrir dans cette histoire, c’est avant tout l’indifférence des gens qui m’entourent. Clairement, j’ai eu beau fermer les yeux pendant un moment, depuis maintenant bientôt un an (et suite à une anecdote qui m’a profondément marquée, sur laquelle je reviendrai peut-être), je ne peux plus faire comme si le fossé, entre moi (nous), et les autres, n’existait pas. Et cette distinction a beau m’horripiler, je me sens obligée de l’admettre : il y a bien nous (pour qui oublier la pilule, prendre des vacances, arrêter d’y penser, mettre les jambes en l’air,  (et alors encore moins faire l’amour !) ne suffit pas), et puis les autres, les non-infertiles (et toc, c’est aux autres que je mets une étiquette). Et au fil du temps qui passe, le fossé devient un gouffre, qui devient un ruisseau, puis un canal, puis un océan entier (oui, c’est imagé, d’ailleurs si je savais dessiner, je vous aurais fait une belle illustration qui représente bien mon sentiment d’eux, sur la terre ferme, et nous sur un petit rocher à la dérive, isolés, car c’est bien ce que je ressens… mais je suis plus douée avec une plume qu’avec un pinceau, alors on se contentera de l’imagination).

Bref, avec le temps, j’ai l’impression que la communication verbale et non verbale est rompue, alors pour renouer le contact et rétablir le dialogue, pour que les relations cessent d’en pâtir, quoi de mieux que de repartir sur de bonnes bases, de réapprendre à se connaître ?

C’est pourquoi aujourd’hui j’ai décidé de nous présenter, d’expliquer qui nous sommes et de faire une journée porte ouverte sur les sentiments qui nous rongent.

Au-dessus de notre caractère à chacun et chacune vient s’ajouter une panoplie d’adjectifs mielleux à souhait, que je partage avec grande fierté (dois-je préciser que c’est ironique ?) :

Les couples en attente sont :

  • Aigris : il suffit de regarder la définition dans le dictionnaire pour comprendre : « Se dit d’une personne que les mauvaises expériences ont rendu amère ». CQFD !
  • Frustrés : frustrés par un désir qui ne prend pas vie (#BlaguedInfertile), frustrés de constater qu’on n’avance pas tandis que d’autres poursuivent leur chemin sans aucune embûche, frustrés de ne pas savoir quoi faire pour s’en sortir, frustrés de n’avoir aucune idée du sort que nous réserve la vie, frustrés de vivre constamment un échec, mois après mois, frustrés de voir que les gens ne savent pas quoi dire/faire face à nous et décident bien trop souvent de ne rien faire, nous laissant seuls.
  • Jaloux : un ventre rond, une poussette, les enfants des autres beaucoup trop mignons, le câlin d’un enfant à sa mère, une copine qui tombe enceinte quand bien même au moment du désir d’enfant elle écumait les boîtes de nuit… oui nous sommes jaloux et envieux. Car nous sommes aigris (cf point précédent). Car on veut bien se réjouir du bonheur des autres, mais au bout d’un moment, on aimerait bien se réjouir du nôtre. Et la joie autour de nous ne fait que renforcer notre désespoir au quotidien. C’est pas malsain, c’est naturel. Ça vient des tripes, et on ne peut rien y faire.
  • En colère : on se sent trahis par la vie, on ne comprend pas ce qui nous arrive, on est en colère contre la vie, contre les amis qui nous laissent à notre sort, contre la famille qui ne dit pas les choses comme on veut l’entendre, contre le corps qui ne fonctionne pas comme il faut, contre les règles qui s’acharnent à revenir, contre Dieu aussi parfois, de nous laisser dans une peine immense et complètement désarçonnés sans venir à notre secours. Puis en colère de ressentir toutes ces choses négatives alors que cela ne nous ressemble pas.
  • Impuissants : parce qu’on a beau y mettre du nôtre, on ne maîtrise rien. Et on a beau faire tout ce qu’on nous dit, même quand c’est ridicule, même quand on y croit pas, « mais bon, on sait jamais », rien n’y fait, le ventre reste vide. Et on voit notre vie s’échapper, sans pouvoir la rattraper.
  • [EDIT] Susceptibles : déjà, qu’on se le dise, les blagues sur la conception ne nous font pas rire (ou que si on en est à l’origine, nous avons l’exclusivité de l’humour d’infertiles). En gros, oubliez les « mais vous avez perdu le mode d’emploi ? », « bin alors, la cigogne a perdu votre adresse ? ». Nous on le dit, mais vous, vous n’avez pas le droit. Mais au-delà de ça, l’infertilité nous a abimés dans notre féminité et/ou virilité, et nous a fait perdre toute confiance en nous. Alors oui, n’importe quelle petite réflexion un tantinet rabaissante, même dite en rigolant, devient vexante et blessante. Non, j’ai pas d’humour. Oui, je suis aigrie. Je l’ai déjà dit.

Alors bien sûr, tout ça n’est pas réjouissant. Mais c’est réel. Et il faut le prendre en compte. Car il n’y a qu’en prenant conscience du désarroi dans lequel nous nous trouvons, des sentiments avec lesquels nous nous débattons, que l’entourage pourra prétendre nous comprendre, et nous épauler, nous accompagner dans ce long chemin dont l’issue est incertaine.

💋

4 commentaires sur “Portrait-robot… ou caricature ?

  1. Malheureusement pour ma part ce serait plutôt portrait robot… même si jaurais préféré caricature 😉
    J’aurais aussi ajouté instable : mon humeur change bien sûr en fonction du moment du cycle, mais aussi à chaque cycle où chaque échec ne me fait pas réagir de la même façon. ..

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